Marie-Claude LORNE (1969-2008)

Mon amie et collègue Marie-Claude a mis fin à ses jours
le 22 septembre dernier.

Le vide que sa disparition tragique laisse dans ma vie et
dans celle de tous ceux qui l'appréciaient et l'aimaient est énorme et béant.
C'est aussi une grande perte pour la philosophie des sciences,
domaine dans lequel Marie-Claude était une chercheuse d'excellence.

Nous ne l'oublierons pas.



Les obsèques de Marie-CLaude ont eu lieu le jeudi 30 octobre à 9h à l'église Notre-Dame des Armées à Versailles.


Marie-Claude Lorne a étudié la philosophie à l'Université Paris X - Nanterre, puis à l'Université Paris 1. Sa thèse,  soutenue en 2004 à l'EHESS, portait sur les fonctions biologiques et a été dirigée par Joëlle Proust. En 2005-2006, elle a effectué un stage postdoctoral à l'Université de Montréal. En 2006-2007, elle a été chercheuse postdoctorale à l'IHPST grâce à une bourse du CNRS. En 2007-2008, elle a été maître de conférence à l'Université de Bretagne Occidentale à Brest.
Son domaine principal de recherche était la philosophie de la biologie. Son travail portait sur la notion de fonction et le statut des explications fonctionnelles en biologie et sur la notion d'information biologique.



-    "Je n'ai connu Marie-Claude qu'il y a deux ans. Nous organisions ensemble le séminaire de Philosophie de la Biologie de l'IHPST et nous travaillions sur des projets communs. Son intelligence fine, sa curiosité pour toute chose, son ironie et son enthousiasme m'ont immédiatement fascinée et liée strictement à sa personne. Elle était très directe, ferme, convaincue par ses propres idées, parfois assez intransigeante car intègre. Elle m'a souvent soutenue avec sa douceur, sa gentillesse et son empathie lorsque j'en avais besoin; et moi, j'ai toujours essayé de faire de même. Sa disparition tragique a laissé un énorme vide dans ma vie, comme dans celle de tous ceux qui l'appréciaient et qui l'aimaient de tout coeur. Je serai différente sans elle dont la mort évacue de ma vie de nombreux horizons que jamais je ne pourrai atteindre. Et pourtant, Marie-Claude m'a donné tellement pendant ces deux ans d'amitié que je ne peux qu'être heureuse de l'avoir rencontrée.",

Francesca MERLIN


   
-    "J'ai rencontré Marie-Claude en 1989, et depuis cette date nous étions amis. Elle avait une véritable passion pour la philosophie, qui s'est je crois déclarée très tôt. Elle me racontait qu'à 17 ans, dans son lycée d'Aulnay-sous-bois, elle lisait Fichte et Hegel, ce qui devait la faire passer pour une sorte d'extra-terrestre. La recherche de la vérité, c'était bien plus qu'une profession ou qu'une carrière pour elle, c'était un idéal auquel elle adhérait de tout son être, parfois avec intransigeance, toujours avec un grand enthousiasme. Rien ne permettait de penser qu'elle trouverait une place dans l'institution : femme dans un monde d'hommes, elle était tout le contraire d'une héritière. Elle avait peu de goût pour les usages du monde académique, et elle se moquait des convenances comme des modes philosophiques. Pourtant elle avait décroché un poste de maître de conférences, à force d'énergie, de travail et surtout de talent. Sa disparition, dans des circonstances terriblement injustes, m'a rempli d'une profonde tristesse. C'est aussi une catastrophe pour l'université et pour la philosophie des sciences. Je n'oublierai jamais sa gentillesse, sa passion contagieuse pour les idées, son intégrité intellectuelle.",


Pascal LUDWIG



-    Chère Marie-Claude
 
depuis huit ans, le mardi matin à 9 heures,tu viens prendre ton cours de violon.
depuis 8 ans nous partageons des moments de musique et d amitié.
depuis 8 ans une complicité,tes éclats de rire,tes coups de gueule,et tes coups d archet.
depuis 8 ans...
que te dire,sinon que tu me manques?
que te dire,sinon que c est dur,très dur,que les choses s arrètent brutalement comme celà.
et que je suis triste.très triste...
Tu laisses un grand vide,et  le mardi matin ne sera plus jamais comme avant.
tu étais une musicienne,et une belle personne.
je suis heureux de t avoir connue un peu.
et je te remercie pour tous ces beaux moments de musique et d amitié que nous avons partagés.
 
Emmanuel



-    "J'ai commencé à fréquenter assidûment Marie-Claude au début des années 2000, quand nous avons lancé à plusieurs un séminaire de philosophie dont le thème se trouvait recouper largement son sujet de thèse : les fonctions biologiques. Marie-Claude, qui avait été invitée à participer à ce séminaire dès sa création, y a joué un rôle essentiel. Très vite, Marie-Claude s'est révélée une partenaire intellectuelle hors pair. Alliant vision d'ensemble, précision de l'information et esprit d'analyse, elle a contribué largement par ses interventions à notre compréhension des doctrines et des arguments étudiés. Ce qui frappait, avant toute chose, chez Marie-Claude c'était la conjonction d'un esprit à la fois spéculatif et rigoureux - elle était capable de saisir les questions à leur plus haut de niveau d'abstraction et de signification philosophique pour ensuite présenter un tableau clair des principaux arguments et enjeux qui s'y rattachaient - avec une honnêteté intellectuelle sans faille qui la conduisait à vouloir connaître et comprendre dans le détail ce dont elle parlait. Qui a lu Marie-Claude et qui a discuté avec elle n'a pu, je pense, qu'être frappé, comme moi, par le souci qu'elle avait de bien comprendre chaque thèse et chaque argument pour les évaluer rigoureusement.
En devenant peu à peu une amie de Marie-Claude, j'ai découvert la multitude de ses talents et de ses intérêts dans de nombreux domaines (musique, cuisine, littérature, ..), mais la base de notre amitié a été notre goût commun pour la discussion philosophique quand celle-ci est fondée sur la confiance réciproque. Je savais pouvoir toujours compter sur sa profonde honnêteté ainsi que sur sa générosité. Si Marie-Claude ne savait pas, ou avait des doutes, elle vous le disait. Si Marie-Claude ne trouvait pas un des vos arguments convaincant, ou si elle le trouvait insuffisant, elle vous le disait. Elle avait la générosité de qui prend ses interlocuteurs au sérieux. Ce qui faisait le socle des nombreuses amitiés intellectuelles de Marie-Claude, à l'instar de celle qui nous unissait toutes les deux, c'était, me semble-t-il, un optimisme quant à ce que peut offrir la rationalité humaine partagée quand chacun utilise son esprit critique pour faire avancer la compréhension de tous et que l'on s'entraide ainsi à tenir le cap d'une argumentation rigoureuse.
La haute exigence va de pair avec l'inquiétude. Quand en 2007 Marie-Claude a été recrutée à Brest, j'ai senti une certaine inquiétude monter une fois le temps des premières réjouissances passé. Elle était dans l'état typique de celui qui doit faire face à sa première année d'enseignement à temps plein. Au premier trimestre, elle était assez soucieuse. Elle avait peur de ne pas réussir à préparer aussi bien qu'il l'aurait fallu ses différents cours. Au deuxième et au troisième trimestres, même si elle manifestait toujours quelques inquiétudes, elle apparaissait rassérénée. Cela se passait bien. Elle sentait qu'elle avait établi un bon contact avec les étudiants, et elle percevait qu'ils étaient contents des cours qu'elle leur dispensait. La vie de Marie-Claude semblait lancée sur de bons rails.
C'est avec stupeur que j'ai appris de sa bouche en septembre qu'elle n'avait pas été titularisée, et qu'elle venait toute juste de l'apprendre. Rien ne laissait prévoir une telle décision. Je me suis imaginé le choc que cela avait dû être pour elle, mais je n'ai pas imaginé sa détresse. Elle semblait prête à se battre, je n'ai pas deviné l'immense fatigue qui se cachait derrière son volontarisme.
A la douleur d'avoir perdu Marie-Claude, et de l'avoir perdu ainsi, s'ajoute un sentiment d'absurde tragique. Marie-Claude était une combattante, sa vie avait souvent été assez difficile, mais elle s'était acharnée pour atteindre son but, avoir les moyens de poursuivre la vie théorique qu'elle aimait et pour laquelle elle était faite. Le succès semblait à portée de main, tous les obstacles semblaient surmontés, une vie plus sereine se profilait, mais l'apparition d'un dernier obstacle imprévu, en rien insurmontable, s'est révélé être l'obstacle de trop.",

Françoise LONGY




-    "Nous connaissions Marie-Claude Lorne depuis une vingtaine d’années. À l’époque, nous étions étudiants, et nous ne savions pas que l’avenir nous verrait travailler sur des sujets proches dans la même institution.
La mort de Marie-Claude, qui s’est jetée dans la Seine à 39 ans,  est effroyablement triste et très injuste. Cette tristesse et cette indignation, nous découvrons au fil des jours que beaucoup, d’horizons intellectuels et de nationalités diverses, la partagent. Marie-Claude avait beaucoup d’amis ; c’est un fait même si cette affection réelle et vraie ne fut pas suffisante pour la retenir.
Parce que Marie-Claude Lorne était notre amie, parce que la fréquentation, même à éclipse, de quelqu’un durant de longues années fait naître l’idée que l’on connaît un peu cette personne, parce qu’enfin son suicide nous a choqués et que devant l’absence brutale qu’il a suscitée nous nous sentons obligés de prendre la parole - afin certes de mettre un semblant d’ordre dans nos sentiments confus, mais aussi d’apporter un témoignage sur une existence que son geste ultime et brutal a rendue exposée à toutes les spéculations - nous dirons ici quelques mots sur la vie de Marie-Claude, sur son tempérament, sur ses choix, sur les raisons obvies qui firent d’elle notre amie.
Nous ne comprendrons évidemment jamais vraiment pourquoi Marie-Claude s’est donné la mort. Néanmoins nous avons tous depuis ce drame considéré diverses interprétations, diverses manières de le rattacher comme une conclusion à ce que Marie-Claude avait affronté dans son existence – et la plupart de nos perspectives  convergent vers quelques éléments forts dont nous allons faire état. Nous croyons que Marie-Claude elle-même aurait aimé que nous comprenions quelque chose de son geste, que nous voyions dans son suicide non seulement une décision  privée pour résoudre un drame singulier mais aussi une certaine vérité sur le monde dont elle avait fait l’expérience.
Tout, en effet, dans les circonstances de son suicide nous pousse à penser que Marie-Claude n’a pas voulu que nous restions muets. Elle a laissé une longue lettre, dans laquelle elle fait été de sa non titularisation comme maître de conférence à l’Université de Bretagne Occidentale. Ce qu’elle nomme cette « décision injuste » dans sa vie professionnelle l’a finalement entravée, au terme d’un long combat pour exercer son activité de  philosophe. Conséquemment elle se voyait condamnée à exercer à l’avenir son métier dans un « environnement professionnel hostile », perspective qu’elle refusait tout simplement de supporter. Dans ses conditions, dit-elle, elle choisit de « mettre fin à ses jours » en allant « se jeter, dûment lestée et entravée, du haut de la passerelle Simone de Beauvoir ». On n’aura pas de mal  lire dans le choix du lieu, nommé d’une  femme philosophe, face à la Bibliothèque de France, une dénonciation de la condition faite aux femmes qui s’essayent à la philosophie. L’interprétation est peut-être hasardeuse mais Marie-Claude était trop fine pour ne pas soupçonner qu’on l’avancerait immédiatement : c’est donc qu’elle ne la rejetait pas, même si en dernière instance – et c‘est le plus probable - elle aura choisi ce lieu avant tout parce que, comme elle le disait souvent, c’était un lieu qu’elle aimait.
D’autres auront à dire, dans cette affaire précise de ses démêlés avec son institution, ce qui est juste ou non au sens de la loi des hommes. Si l’on met cet épisode en perspective avec d’autres éléments de la vie de Marie-Claude, il apparaît naturel qu’elle l’ait vécu comme une profonde injustice, cette même injustice qui nous blesse dans la nouvelle de son suicide.
D’abord, Marie-Claude était vraiment, profondément philosophe, au sens originel où elle voulait la vérité. Nous comprenons seulement maintenant, tard, combien sa manière d’être et sa manière de philosopher étaient une seule et même chose. Beaucoup, pensant à Marie-Claude, se souviendront des discussions passionnées qu’elle pouvait conduire lors des séminaires de philosophie. Ses amis l’admiraient pour cela et enviaient  sa capacité à ne jamais lâcher le morceau, à ne jamais céder devant un argument qu’elle n’estimait pas intégralement clair ou satisfaisant. Nous nous rappelons le moments où, après avoir longuement analysé une pensée ou une théorie, nous étions comme contents d’avoir compris quelque chose, ainsi que c’est souvent le cas avec les textes des  philosophes ou des scientifiques – et Marie-Claude intervenait là pour dire en substance, « D’accord, c’est bien beau, vous avez compris, mais est-ce que c’est vrai ? ». Nous aimions et nous admirions qu’elle nous rappelle sans cesse à cette quête là.
Marie-Claude aimait la philosophie parce qu’elle aimait la vérité. Ce souci lui fit embrasser des positions rationalistes qui la rendaient sceptique, ou enjouée, devant les rhétoriques à la mode qui voudraient faire passer raison, science et vérité pour des jouets surannés, sans  savoir par quoi les remplacer. Ce souci, elle l’avait au premier chef avec elle-même, s’astreignant à des exigences sans doute plus hautes que celles de la plupart de ses collègues: Marie-Claude, là-dessus comme sur beaucoup d’autres choses, ne cédait pas, se soumettant elle-même à une injonction impitoyable.
Marie-Claude aimait vraiment la vérité : pour cette même raison, elle n’aimait pas le semblant, dont chacun sait qu’il est au monde la chose la mieux partagée. Une tolérance au semblant, une pratique du semblant, quelque nom qu’on veuille bien lui donner -  diplomatie les bons jours, hypocrisie les mauvais -  Marie-Claude n’en voulait pas. Elle n’a pas cédé là-dessus, elle n’a pas fait semblant par exemple de se ranger aux avis de plus puissants pour tirer les bénéfices de son allégeance, comme fait presque tout le monde. D’où bien sûr des difficultés prévisibles ; elle le savait et elle en a toujours payé le prix.
Nous admirions  Marie-Claude pour cela : accepter de payer d’un prix élevé la possibilité de vivre sa passion de la vérité. Nous autres, par faveur du destin, nous n’avions pas vraiment eu à faire de tels choix ; la philosophie pour nous n’était pas au prix de notre confort. Marie-Claude a accepté des années durant des conditions financières extrêmement précaires alors qu’avec ses qualifications elle aurait pu, en acceptant de s’engager dans une voie moins intéressante pour elle, prétendre à bien plus, ne serait-ce qu’en enseignant dans un lycée - perspective en elle-même désirable mais dont elle savait qu’à terme elle lui rendrait impossible de philosopher efficacement sur les sujets qui étaient les siens.
Sa non titularisation à l’Université de Brest fut assez lourde de sens pour que Marie-Claude en fasse mention dans sa lettre d’adieu. Certes, cela n’avait rien d’irréversible, ni même d’irrévocable tant les amis que Marie-Claude avait alertés à ce sujet étaient déterminés à faire valoir son droit à l’encontre d’une décision qu’ils estimaient, sur la forme comme sur le fond, inique. Mais la violence symbolique de cette décision était extrême pour quelqu’un qui l’a vécue comme la dénégation de sa place dans un monde universitaire, qui signifiait pour elle la possibilité d’exercer sa recherche  dans des conditions décentes. Cette place, elle l’avait enfin acquise en récompense de son travail et de ses talents, après un parcours fait d’enrichissements intellectuels, de moments créatifs, de joies et de questionnements, de rencontres gratifiantes et d’interactions fructueuses, mais aussi  de choix difficiles, de renoncements, bref un parcours affecté d’un taux d’adversité probablement plus élevé que celui de la moyenne des parcours académiques. Nul doute aussi que cette dénégation, d’où qu’elle vienne et même s’il est prouvé qu’elle résulte d’un dysfonctionnement singulier ou individuel, Marie-Claude a pu l’entendre résonner avec la série des événements, des individus, des instances qui au cours e ce parcours lui ont régulièrement signalé qu’elle n’était pas à sa place, à la fois pour sa manière de travailler, d’enseigner ou de penser, et aussi pour sa manière d’être. Cette série d’événements nous dit, certes, quelque chose sur Marie-Claude et son rapport  à elle-même et au monde social, un rapport tissé d’exigences et d’attentes souvent trop élevées, tissé aussi de cette lucidité extrême dont nous reconnaissons tous qu’elle ne rend pas la vie facile – mais elle indique aussi quelque chose du monde académique, qui a bien des égards n’a pas voulu de ce que représentait Marie-Claude. .Nous ne comprendrons jamais pourquoi notre amie a vécu la décision universitaire prise à son encontre comme injuste  au point de se donner la mort, à quel point et pourquoi elle l’a entendue comme un arrêté ultime, irrévocable à l’encontre de sa légitimité comme philosophe. Certes, il y a une tragique malchance dans cet événement, rien dans les pratiques universitaires ne le laissant envisager ; reste qu’il peut représenter une version extrême de la réaction épidermique que suscitait chez certains le refus absolu de tout compromis que Marie-Claude défendit constamment.  Nous supposons simplement qu’à entendre cette décision faire écho avec bien d’autres mots, discours, événements, situations, elle en a conclu que la place consacrée à la recherche de la vérité était bien trop férocement ou arbitrairement défendue, ou qu’elle n’avait plus assez d’énergie pour mener un combat dont elle avait sous-évalué les forces en présence, et qu’elle a jeté le gant.
Par ces lignes, nous ne voulons pas dire que Marie-Claude était mal à l’aise en ce monde universitaire. Au contraire, nous avons raconté comment elle avait suscité des amitiés fidèles qui l’ont accompagnée des années durant, malgré l’éloignement parfois – puisqu’elle avait rencontré plusieurs de ces amis au cours de séjours à l’étranger - et ils savaient combien l’amitié comptait pour elle. À plusieurs reprises elle s’est effectivement trouvée dans des cadres où elle pouvait être elle-même, voir sa recherche s’épanouir – l’Institut Jean Nicod, l’IHPST à Paris, l’Université de Montréal entre autres. Dans ces contextes faits d’émulation intellectuelle et de bonne entente, Marie-Claude se sentait bien, et chacun de nous a des souvenirs de moments partagés qui furent à la fois joyeux, intéressants et drôles, des moments qui nous manquent cruellement aujourd’hui, et dont le souvenir ne cesse de revenir.
De son séjour à l’Université de Brest nous revient aussi l’écho presque unanime de l’impression heureuse qu’elle faisait sur ses nouveaux collègues, quelles que soient leurs orientations théoriques et idéologiques. À l’inverse de ce dont des esprits bornés l’accusaient parfois, Marie-Claude était tout sauf sectaire, elle avait toujours un a priori positif dans sa rencontre avec les gens, elle était pleine d’indulgence pour les petites faiblesses qu’elle repérait chez eux ; simplement, elle détestait la fatuité, l’autosatisfaction, l’hypocrisie et la perfidie, d’où qu’elles viennent idéologiquement et philosophiquement.  Parfois et par bêtise, on a pris son honnêteté pour de l’insolence, sa conviction pour de l’arrogance,  son exigence pour du terrorisme intellectuel. Nous souhaitions -  et de nombreux amis seront là pour le confirmer – faire ici justice de cette idée absurde.
Ainsi, Marie-Claude – et il fallait sans doute rétablir ceci avant tout, devant le tragique des faits et les conclusions mensongères que ne manqueront pas d’en tirer certains – Marie-Claude aimait la vie. Elle était musicienne et mélomane raffinée. Elle aimait les bons vins, les dîners et les soirées après les séminaires – et nombreux se rappellent d’interminables discussions avec elle autour d’un verre. Elle aimait aller aux concerts, et avait pour la musique un amour vrai. Ni ses choix ni ses goûts ne reflétaient un habitus social, elle les avait construits elle-même, et aimait d’autant plus sincèrement les partager avec d’autres.
Ainsi, Marie-Claude aimait les romans policiers. Elle en était une amatrice avertie. Au point d’envisager parfois d’en écrire, un jour, soit à défaut d’une carrière académique qu’elle aurait fini par abandonner après trop de déceptions, soit comme passion. Nous en parlions souvent. Beaucoup auraient aimé lire ces romans, un jour.
Nous avons du mal à mesurer l’ampleur du gâchis. La mort de Marie-Claude Lorne est rien qu’injuste et triste, c’est finalement la seule chose à retenir. En en parlant, en racontant qui elle était, en essayant de comprendre aussi comment tout cela est arrivé, même si ça n’atténue en rien notre peine, nous pensons faire ce qu’elle aurait souhaité qu’on fît.",

Philippe HUNEMAN

Anouk BARBEROUSSE



-    "Chers collègues,
      Chers amis,

La communauté des historiens et philosophes des sciences est en deuil. Marie-Claude Lorne nous a quittés. Son corps a été retrouvé dans la Seine le vendredi 3 octobre dernier, après qu'elle eut annoncé par une lettre manuscrite son intention de mettre fin à ses jours.

Âgée de 39 ans, Marie Claude Lorne était agrégée de philosophie. En 2004, elle avait soutenu sa thèse sos la direction de Joëlle Proust, sous le titre Explications fonctionnelles et normativité :  analyse de la théorie du rôle causal et des théories de la fonction. Cette thèse n'a pas d'équivalent dans la littérature internationale: elle examine de manière exhaustive les débats philosophiques contemporains sur la notion de fonction, et propose une solution à ce redoutable problème. Après cette thèse Marie-Claude Lorne a réalisé des postdocs à Montréal (auprès de Frédéric Bouchard et François Duchesneau) et à l'Institut d'Histoire et de Philosophie des Sciences et des Techniques de Paris, avant de prendre un poste de Maître de Conférences à l'Université de Bretagne Occidentale à la rentrée 2007. Dans ces positions successives, Marie-Claude Lorne a progressivement élargi ses sujets d'étude, offrant entre autres choses des analyses pénétrantes du difficile concept d'information biologique, ainsi que des enjeux de la "théorie des systèmes développementaux".  Il était clair que Marie-Claude Lorne devenait une autorité en philosophie de la biologie.

Tous ceux qui ont connu Marie-Claude ont été impressionnés par l'exigence et la clarté de sa pensée. Sur le terrain des idées, Marie-Claude ne transigeait jamais. Elle était aussi intransigeante dans la pensée que généreuse dans ses amitiés. Sa disparition est une grande perte pour la philosophie française aussi bien qu'internationale.

Les circonstances professionnelles dans lesquelles Marie-Claude a décidé de mettre fin à ses jours, indiquées par elle dans sa dernière déclaration écrite, ne peuvent qu'interpeller la communauté universitaire. Il conviendra qu'elles soient pleinement élucidées et que les leçons en soient tirées.

Les amis de Marie-CLaude Lorne veilleront à ce que son ¦uvre, bien connue des spécialistes, soit connue, honorée et publiée.

À ce jour, la date et le lieu des obsèques ne sont pas encore connus. Une annonce dans le journal Le Monde paraîtra, conviant ses proches et amis à l'accompagner une dernière fois.

Nous nous associons à l'affliction de la famille.",

Jean GAYON




-    Chère Marie-Claude, 

J’ai du mal à réaliser que tu as vraiment disparu. Je ne parviens pas à t’écrire un hommage autrement qu’en m’adressant directement à toi. Je vois encore briller dans tes yeux et dans ton sourire l’intensité de ton amour de la vie, celui qui s’exprimait à la perspective d’un bon repas partagé, à l’évocation d’un opéra de Wagner ou même simplement, à l’idée de nous retrouver, après une séance de séminaire, autour d’un verre de bon vin rouge.

C’est dans le cadre de la philosophie et de ton intérêt pour la notion de fonction que je t’ai rencontrée. J’ai très rapidement eu une profonde admiration pour la rigueur de ta pensée et ton étonnante persévérance. Une pensée claire et exigeante. Une exigence à laquelle tu te soumettais avant tout.

Mais c’est surtout et rapidement une profonde et sincère amitié qui s’est nouée entre nous. Je n’oublierai jamais les quelques moments musicaux, toi au violon, moi au piano, que nous avons partagés quand j’étais parisienne, la simplicité qui était la tienne dans un climat de confiance et d’émotions musicales partagées. J’aimais savoir que tu pratiquais le violon et qu’Emmanuel t’y aidait, t’y encourageait, t’offrant ainsi un lieu ressource, un lieu d’épanouissement en dehors de la philosophie et de l’aridité de son milieu institutionnel.

Tu me parlais de tes amis non philosophes, ceux rencontrés à Oxford ou ailleurs. Tu étais secrète et un tantinet sauvage mais tu n’étais pas fermée. Tu avais un sincère et profond respect ainsi que de la douceur pour ceux qui t’accueillaient avec ouverture et pour ceux que tu aimais.

Tu étais à Paris quand j’étais à Washington, à Montréal quand j’étais à Berlin, à Berlin quand j’étais à Lyon : nous avons pu nous soutenir dans nos difficultés durant ces séjours de recherche à l’étranger mais aussi partager nos joies et nos découvertes. Tu as été un soutien fort. Il était plus facile de se parler entre exilées, plus facile de se comprendre.

Tu as été aussi pour moi d’un grand soutien pour avancer et persévérer sur ce sentier si aride et si austère qu’il faut parcourir pour faire de l’enseignement et de la recherche en philosophie. Je n’en revenais pas des forces et de l’énergie que tu investissais pour traverser et surmonter à chaque fois les nouveaux obstacles. Et nous savons qu’ils ont été nombreux. Je crois que tes plus proches amis ignorent nombre d’entre eux. Je m’associe à beaucoup pour penser que le refus de ta titularisation à Brest a certainement été l’obstacle de trop, cette fois que tu pensais enfin avoir obtenu un poste, un salaire décent, une reconnaissance institutionnelle tant attendue mais aussi des étudiants qui t’étaient confiés.

Il y a eu des moments austères durant ta première année à Brest. Il y avait en toi un tragique de l’existence mais il me semblait, j’espérais, et tu me le donnais à voir et à croire, que l’intensité de ton amour de la vie lui était si étroitement mêlée, qu’elle l’emportait, qu’elle l’emporterait…

Je garde de toi tant de si bons moments qui reviennent encore trop douloureusement à ma mémoire ; ton départ est trop brutal.

Elodie GIROUX

-    Le colloque "Fonction" au Collège de France en mai dernier a été pour moi la dernière occasion d'apprécier Marie-Claude. Pour elle qui avait exploré le sujet pendant sa thèse, ce colloque était un peu 'son' colloque. Elle m'avait alors parue gaie, à l'aise dans son milieu. La page des années difficiles - la thèse, les post-docs - paraissait tournée. Elle avait enfin le poste de maître de conférence qu'elle souhaitait. Ses premiers semestres d'enseignement à Brest semblaient très bien se passer. Sa vie de nomade entre Brest et Paris l'amusait : elle exhibait alors fièrement le minuscule ordinateur portable qu'elle s'était enfin autorisée à acheter. L'été est passé. Le temps pour Marie-Claude s'est arrêté. Une question subsiste : comment aurait-il pu en être autrement ?,

Christophe MALATERRE


-    "Dans ce bref hommage rendu à la mémoire de Marie-Claude Lorne,il faut bien parler de soi et des sentiments communs à tous ceux qui l'ont connue à l' IHPST ,mêlant affection et admiration. Pour ma part ,elle m'a beaucoup appris .j'ignorais presque tout des discussions sur la notion de fonction qui animaient des philosophes américains depuis plus de quarante ans. Maris-Claude en était bien instruite. Elle discutait avec eux soit en commentant et analysant leurs publications,soit en s'entretenant avec eux lorsqu'ils étaient invités à l'IHPST.Elle était extremement active attachée à la recherche en philosophie des sciences biologiques,on sentait en elle une vulnerabilité qu'elle surmontait par sa grâce et sa compétence.Outre le chagrin on ne peut se consoler d'un avenir philosophique disparu avec elle. Nous ferons de notre mieux mais il y a des horizons effaçés. Travaillons,c'est l'hommage essentiel que nous lui devons. La peine,nous la gardons secrète en nous-même.
Charles Galperin (IHPST)",

Charles GALPERIN


-    « Marie-Claude nous a quittés avec la détermination stupéfiante qui l'animait toujours. Quelle que soit l'injustice du sort auquel elle a été confrontée, un tel geste me semble un mystère insondable, geste que nul n'imagine vraiment le jour d'avant et qui nous laisse effarés sur la rive.

            Mais, à travers ces témoignages, je prends conscience de ce que je ressentais lorsque je rencontrais Marie-Claude rue du Four, heureux qu'elle soit là, de ce qui me plaisait tant lorsque lâchant vite quelque tâche austère nous prenions le temps d'une bonne vieille cigarette : l'intensité de sa présence et de son rayonnement si personnel, chaleureux et vrai, comme si par-delà  un environnement intellectuel parfois d'allure aride, quelque chose d'essentiel pour la finalité de nos recherches — pour une vivante philosophie de la vie, pour le sens donc de notre vie — se manifestait, et maintenant elle ne sera plus là.

             Je sais aussi que cela s'est imprégné en nous, que sa voix si chaude à l'inflexion tout-à-coup si joyeuse résonnera longtemps après la douleur, et que ses amis resteront fidèles à ce qu'elle nous a transmis de décisif. 

Arnaud PLAGNOL

    "J’ai appris lundi matin la mort de Marie-Claude Lorne, ma professeur de Philosophie, la seule femme du corps enseignant de philosophie, âgée de moins de 40 ans. Ca m’a fait un choc. J’ai suivi ses cours tous les lundis matin pendant un an, je l’ai vue épuisée après 5h de cours d’affilée sans pause, pour sa première année dans notre université. J’ai toujours pensé que ce n’était pas juste de donner cet horaire, un des pires, à une jeune prof, sans pauses. Mais cela ne l’empêchait pas d’être toujours là, fidèle au poste, malgré les absences des élèves, malgré tout. Elle avait la passion de son métier, ce qu’elle nous enseignait, elle le faisait avec passion. Elle n’était pas en charge des cours les plus faciles, très scientifiques. Mais elle était plus proche de nous que tous les autres professeurs pouvaient l’être, elle était humaine, avec un langage qui détonnait parfois dans ce milieu d’hommes en costumes. Elle ne se souciait pas de son apparence, mais que nous comprenions bien ce qu’elle tentait de nous communiquer. Elle nous poussait à nous dépasser, tout en restant assez souple pour plaisanter avec nous. Elle avait ses limites, comme n’importe qui qui aurait passé 5 heures avec des étudiants moyennement intéressés par sa matière, et il lui est arrivé de s’énerver, lorsque nous ne faisions pas ce que nous devions faire ou bien après un étudiant, surdoué avec des problèmes psychologiques (je ne saurais pas dire exactement lesquels, mais pour l’avoir connu pendant 3 ans, je peux dire qu’il était extrêmement désagréable…), que personne n’osait remettre à sa place, et qui ne supportait pas qu’elle ne soit pas aussi classique dans sa manière d’enseigner que les autres professeurs. Elle n’était peut-être pas classique, mais grâce à elle j’ai lu des textes scientifiques en anglais, j’ai compris les thèses darwinistes, néodarwinistes, et beaucoup d’autres choses en biologie, notamment en biologie actuelle. Un matin, j’étais seule en cours, nous étions toutes les deux et nous avons donc parlé. Elle m’a fortement poussée à partir en Allemagne, m’a dit qu’elle parlait en connaissance de cause et que c’était une expérience formidable ; elle a su trouver les mots pour me rassurer, me donner l’envie et le courage. C’était une femme d’esprit, une femme libre, qui se jouait des conventions et qui n’imposait pas ses connaissances mais cherchait à partager. En faisant des recherches sur internet sur elle, j’ai appris qu’elle avait passé un an en Angleterre, un an en Suède et un an à l’université Humboldt à Berlin. Elle était agrégée de Philosophie, doctorante. Elle était la preuve qu’une femme peut réussir dans ce monde d’hommes, qu’une femme de tête peut aussi être libre. Elle m’a donné l’envie de travailler dur et de prendre des risques, le courage de ne pas me faire arrêter par les préjugés et la facilité. C’est une grande perte pour sa famille évidemment, à laquelle je pense, perdre une fille, une sœur, une amie de cet âge est une tragédie, mais c’est aussi une perte considérable pour l’enseignement, pour nous ses étudiants et pour l’université.",

Anne-Laure



    "Comme philosophe, Marie-Claude m’a fait une très forte impression. Elle était passionnée, très rigoureuse et immensément cultivée. Comme je le lui ai dit un jour, j’ai beaucoup appris d’elle. Etant donné ses qualités, et son intégrité professionnelle, la décision prise à son endroit à Brest, injuste et d’une grande cruauté, est révoltante.  

C’était aussi une amie. Tous ceux qui l’ont connue savent qu’elle pouvait être directe, mais qu’elle était aussi incapable de méchanceté qu’elle l’était de la moindre hypocrisie. Elle qui avait une vie vraiment très dure était aussi sincèrement heureuse lorsque quelque chose de bon arrivait à l’un de ses proches. Je veux me souvenir des heures où la tension due au travail se relâchait, celles où elle était gaie, où elle parvenait à apprécier pleinement un concert, un film, un dîner, un moment d’accalmie. Ma fille l’adorait. Elle nous manquera beaucoup.",  

Denis FOREST 

    "Marie-Claude, intellectuelle et cultivée, je te respectais et j'étais fier
d'être un de tes amis.
Enfin une personne magnifique, rebelle, directe et sans fard  me
disais-je...
Ta détresse avouée passait quand lors de nos joyeux repas, nous nous
moquions des choses de l'académisme.
La dernière image que je garde de toi est celle d'une femme simple, d'une
générosité vraie, dans ses idées, pour sa famille, ses étudiants.
Bien qu'ayant mené une vie dure, tu l' aimais, cette vie, et on pouvait
compter sur toi pour alléger les fardeaux de celle des autres.
Ce don rare de soi dont tu étais coutumière, on te l'a refusé de manière
incompréhensible à Brest. Tu me manques Marie-Claude.",

Jean-Claude DUPONT




- Obituary: Marie-Claude Lorne (1969-2008) 

To appear in Biology and Philosophy 

(Thomas Pradeu, Paris-Sorbonne University and IHPST, Paris, France

One of the most rigorous philosophers of biology I have ever known died on September 22nd, 2008. At the age of 39, Marie-Claude Lorne committed suicide by jumping into the Seine. She left a letter saying she felt that life had nothing more to offer her. The letter described her sense of deep injustice at the failure of the University of Brest, France, to confirm her as an Associate Professor. This decision is extremely rare, even exceptional in France. 

Marie-Claude was a specialist in the concept of biological function. Her PhD dissertation, Functional explanations and normativity, was written at the Institut Jean Nicod (Paris, France), under the supervision of Joëlle Proust, and defended in 2004. It was hailed as a landmark work on the subject. Jean Gayon, Professor at Paris 1 Pantheon-Sorbonne University, had organized a seminar on biological functions at the Institut d’Histoire des Sciences et des Techniques (IHPST, Paris, France), and Marie-Claude quite naturally became one of the pillars of our  group.  

Marie-Claude was never satisfied with her work and constantly moved into new areas in the philosophy of biology: the concept of information, the evolutionary significance of symbiosis, the debate on developmental constraints, developmental systems theory, among others. To each of these investigations Marie-Claude brought her signature rigour and intellectual honesty. That refusal to be satisfied, however, also made her reluctant to publish. Several of her friends, admirers of her work, intend to bring Marie-Claude’s writings to the attention of the broader community of scholars. An association, called “Les Amis de Marie-Claude” (“Marie-Claude’s Friends”), will be created soon. Jean Gayon will be its president. 

With her good friend Francesca Merlin, Marie-Claude organized our Philosophy of Biology seminar at IHPST (http://philbioihpst.free.fr/philbio.html). Under their talented direction it became, in my opinion, one of the most active and stimulating philosophy of biology groups in the world. In three years, Marie-Claude and Francesca brought to the seminar the likes of Lindley Darden, Peter Godfrey-Smith, Paul Griffiths, Eva Jablonka, Evelyn Fox Keller, Philip Kitcher, Tim Lewens, Roberta Millstein, Gerd Müller, Alexander Rosenberg, Elliott Sober, and Kim Sterelny. 

To many of us at IHPST, Institut Jean Nicod, and beyond, Marie-Claude was first and foremost a great friend. Her life was hard and filled with intolerable problems. Despite these problems, she loved, and knew, good food and wines. Perhaps her favourite hobby was reading detective novels; she even spoke of writing some day in that genre. She loved concerts, and was herself a musician. She had started to learn violin late, but thanks to her usual and always impressive perseverance she became a good player. She had a passion for Wagner, and sometimes described herself as a ‘romantic’. What many of us remember most vividly is her booming and expressive laugh.  

Her friends inside the philosophy of biology community admired her rigour, freedom of thought, and honesty. In addition to Francesca Merlin, these included Frédéric Bouchard (University of Montreal, Canada) Jean-Claude Dupont (University of Picardie, France), and Denis Forest (University of Lyon 3, France); Marie-Claude always spoke of these companions with respect and tenderness. 

Marie-Claude Lorne will remain an example to us; she was a true philosopher: critical, never fully satisfied, and always direct. She could be stubborn and uncompromising – even harsh. Certainly these aspects of her character, so central to her integrity as a thinker, made her ill-suited to the French mandarin academic system. The University of Brest’s refusal to confirm her position was not the only cause of her suicide, but it was certainly a major one. The exact nature of these events is now being investigated. 

May Marie-Claude rest in peace. Remembering her, we cannot. 
 

Acknowledgments

Thanks to Susan Oyama for her help and her friendship.




Pour rendre hommage à Marie-Claude sur cette page, il suffit d'envoyer un mail à: francesca.merlin@gmail.com